DENIS GRIFFON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE TERRA BOTANICA « Nous inventons un parc à thème dédié au végétal, cela prend du temps ! »
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Denis Griffon a pris les commandes de Terra Botanica il y a trois ans, alors que le site connaissait un démarrage difficile. Après une année au cours de laquelle les événements médiatiques se sont multipliés, nous avons voulu savoir où en était le parc du végétal angevin construit au début de la décennie.
La saison va se terminer, comment s'est-elle passée ?
Elle a été bonne. Nous avons enregistré une hausse de fréquentation de 15 % cette année. Sachant que notre activité reste météo-sensible et que les conditions climatiques n'ont pas été excellentes, il s'agit d'une bonne nouvelle. Nous enregistrons autour de 250 000 entrées au parc. C'est la seconde meilleure fréquentation depuis l'ouverture en 2010. Pour mémoire, la meilleure année se situe en 2011, avec 270 000 entrées. Les choses s'étaient ensuite compliquées.
Comment définissez-vous Terra Botanica, sa raison d'être et son rôle ?
Il s'agit d'un parc à thème portant sur le végétal où l'on apprend en s'amusant. Aujourd'hui, ce thème est bien compris. Quand on parle de mur végétal, par exemple, tout le monde voit de quoi il s'agit. Notre parc a choisi de cibler tout particulièrement les moins de 12 ans, pour une raison essentielle : en faire un lieu de transmission. Si on parle de céréales à un enfant, il pense à celles qu'il consomme au petit-déjeuner, pas au champ de blé. Cette génération numérisée a manqué un morceau de l'histoire des végétaux, nous voulons en assurer la transmission. Ce public nous permet aussi d'accrocher les seniors, souvent les grands-parents, qui les accompagnent. Nous visons donc une cible familiale intergénérationnelle.
Comment assurez-vous cette transmission ?
On ne transmet aux enfants que s'ils s'amusent. Pour y parvenir, nous avons fait le choix de l'immersion. Nous avons aussi réorienté notre communication vers les écoles. Plus de 11 000 enfants en ateliers scolaires ont été accueillis dans le parc cette année. Ces ateliers n'ont pas lieu dans des salles coupées du parc avec une simple fenêtre pour regarder les plantes, mais bien dans le parc lui-même, au contact des végétaux, en favorisant l'interaction et la manipulation. Les enfants ont pu travailler en direct avec la nature.
Un « plan de relance » a été lancé pour Terra Botanica il y a trois ans, où en est-on aujourd'hui ?
Le parc a été conçu avec un objectif de fréquentation de 400 000 visiteurs par an. Il est possible d'atteindre cet objectif, mais cela va prendre du temps. Tous les parcs ont mis au moins 10 ans à être connus et reconnus. Il faut expliquer et véhiculer une image positive du site, le temps travaillera pour nous ! Comme le Puy du Fou a inventé le parc historique, nous inventons un nouveau parc à thème dédié au végétal, et cela s'inscrit dans la durée.
Le parc n'est donc pas actuellement à l'équilibre ?
Aujourd'hui, Terra Botanica est exploité par un groupement d'intérêt public dont les actionnaires principaux sont le Conseil départemental et la ville d'Angers (49). Le département en est propriétaire et doit en assurer l'entretien, Angers en profite comme pôle touristique majeur. Une étude du cabinet Protourisme vient de montrer qu'un euro investi dans le parc en subventions génère près de 5 euros de retombées économiques pour le territoire. En France, nous sommes les seuls à proposer cette expérience végétale familiale ponctuée d'animations et d'attractions. Il faut faire connaître le parc et cela prend du temps. Nous avons donc encore besoin d'aides publiques pour être à l'équilibre, mais je pense qu'au fil des ans, nous tendrons vers l'autonomie financière.
Qu'est-ce qu'une personne venue visiter le parc à l'ouverture pourrait découvrir de nouveau aujourd'hui ?
Ce qui a le plus changé, c'est l'immersion dans le végétal. Avant, les gens avaient du mal à savoir qui nous étions. Ils visitaient Terra Botanica comme un jardin des plantes, avec la vision du paysagiste. À présent, les plantes ont pris de l'ampleur et nous évitons de trop tailler pour donner l'impression d'être plongé dans la végétation. L'autre point, c'est que nous racontons une histoire, celle de l'Anjou et de l'horticulture locale. Dans les premières années, les visiteurs sortaient en ayant le sentiment d'avoir vu un beau jardin, et c'est tout. Maintenant, ils repartent en ayant appris plus de choses. Nous retraçons des siècles d'histoires végétales de l'Anjou. Nous donnons plus de sens aux choses, en particulier sous ses aspects régionaux. Cela confère une âme à la visite. Le visiteur pourra plus facilement transmettre ce qu'il a vu. Nous avons par exemple créé un champ de dahlias en partenariat avec l'entreprise Ernest Turc afin de faire connaître la gamme, le savoir-faire de la région et de l'entreprise. Au passage, cela donne aussi l'envie d'acheter.
Comment se présente l'avenir ?
L'objectif est de passer la barre des 300 000 entrées, ce qui est bien pour un parc à thème. J'espère l'atteindre en 2019. C'est bien parti, déjà pour 2018 on sent que les réservations sont dynamiques. Mais nous comptons aussi sur les à-côtés, comme les rendez-vous professionnels dans notre centre d'affaires. Nous en organisons désormais autour de 150 par an. Nous sentons, chez les professionnels de la filière horticole, un intérêt bien compris pour le parc, sur ce qu'il peut apporter au développement et à la promotion du secteur. Ils ont totalement intégré le fait que les visiteurs, en sortant, seront plus enclins à acheter des végétaux.
Nous travaillons aussi sur des partenariats avec les écoles d'horticulture locales, l'ESA (école supérieure d'agricultures), Agrocampus, Le Fresne, etc. Grâce à ces opérations, 550 jeunes, tous niveaux d'études confondus, ont travaillé au sein du parc, avec une liberté d'expression totale. Par exemple, nous souhaitons réaliser une aire de camping-cars ; des élèves ingénieurs vont travailler à sa conception. Leur projet sera mis en place sous notre contrôle. Mais ils participeront aussi aux travaux. L'idée reste qu'ils ressortent avec de la terre sous les ongles. Nous ne sommes pas un musée du vivant !
Propos recueillis par Pascal Fayolle
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